Après avoir arpenté les rues de Medellín, force est de constater qu’elle foisonne de tours et de chantiers qui redessinent la silhouette de la ville. Dans les quartiers industriels, on y observe des usines d’assemblages de Renault ou Toyota ainsi que les travailleurs du métal qui sortent en sueur et torses-nus sous la chaleur du soleil tropical. En y passant vous êtes happés par l’odeur du fer et d’acier chauffés. Dans la province d’Antioquia, on y pratique l’élevage et la plantation de café, qui constituent la source d’investissements, et du développement urbain de la ville et ses alentours. Mais qu’en est-il du textile ? Nous vous présentons ici les « immanquables » en terme de production, confection textile et vente afin de répondre à la dite question.
UN PEU D’HISTOIRE…
Il faut savoir que l’industrie textile a été un des éléments majeurs au développement de la ville. La première usine de coton fut créée en 1905 par Don Emilio Restrepo dans la ville de Bello, située à la frontière Nord de Medellín. Dès lors, les employés sont en majorité des femmes. Les structures ouvrières sont régies par des entreprises familiales sous couvert de l’Eglise catholique. Elles établissent alors un ensemble de règles de vie inscrites dans un code du travail propre à chaque firme. Elles fixent des salaires décents et des avantages sociaux aux travailleurs.
Durant l’après-guerre, des politiques protectionnistes favorisent la production domestique de laine et de coton en appliquant des taxes sur l’import de produits étrangers. Ainsi, les années 1940-1950 marquent l’âge d’or de l’industrie du coton, celle-ci se plaçant alors en tête de la modernisation colombienne. Parallèlement, la classe ouvrière fait face à un recul social : les femmes sont bannies des usines afin d’être remplacées par des hommes.
Pendant la Guerre civile de 1948 à 1960, l’industrie continue de tourner. C’est à partir de 1960 que la compétitivité des pays d’Asie de l’Est s’intensifie dans le secteur du vêtement bon marché menaçant de plus en plus le textile colombien. La production stagne tandis que le narco-capitalisme s’accapare de l’économie colombienne.
ET AUJOURD’HUI à MEDELLíN?
La région d’Antioquia avec Medellín reste le principal centre de confection textile. Selon Inexmoda, elle concentre 30,7% de la production totale colombienne avec à son compteur 70.520 entreprises et 72.211 emplois dans la région. La ville est également le lieu de réception de deux événements d’envergure dans l’industrie textile et de la mode sud-américaine : Colombiatex dont nous avons parlé dans un précédent article et Colombiamoda. Ainsi, si la ville a voulu se séparer de son passé sulfureux, elle a notamment placé la plupart de ses efforts (et espoirs) sur cette économie plutôt prospère.
Nous y avons visité les principaux centres de production textile. Le premier est à Bello, centre industriel historique où eut lieu la première grève de femmes ouvrières du pays en 1920. C’est ici que se situe l’usine Fabricato, fondée en 1923 par les Echeverría (cela dit, pour être totalement transparentes c’est également là où on s’est senties le moins en sécurité).
L’illustre famille est aussi à l’origine de la création de Coltejer en 1907, la première entreprise du secteur textile colombien aujourd’hui. Sa production est localisée à Itagüí , second centre de production textile colombien. On y voit également maintenant s'y construire de larges centres commerciaux ayant choisi un style design et épuré.
Lors de notre découverte d’Itagüí, nous avons pu visiter l’usine Marquillas y Accesorios. Malheureusement nous n’avons pas eu l’autorisation de prendre des photos de la fabrique. Pour tout vous dire, les ouvrières étaient alignées derrière leur machine et réalisaient des tâches à la chaîne – celles-là même aux allures plutôt aliénantes si l’on considère qu’elles ne faisaient que cela de la journée. Des hommes en uniformes bleus travaillaient sur des grosses machines de teinture et de découpage de textile. Même si des règles de vie ont été mises en place pour favoriser le bien être des travailleurs, nous réalisons bien qu’elles ne sont qu’une ébauche générale des conditions de travail là-bas.
Nous nous sommes également promenées au cœur de Medellín, dans le quartier d’ « El Hueco ». Ici, vous trouverez de multiples commerces de détaillants de tissus et de mercerie. Fait intéressant : la ville est organisée par catégorie type ce qui explique pourquoi tous les détaillants de tissus sont regroupés dans un même quartier.
QUID DE LA MODE ?
Medellín est un incontournable en ce qu’elle détient aujourd’hui le rang de seconde ville productrice de mode en Amérique du Sud après São Paulo. Cela se traduit par une quantité monstre de boutiques de vêtements bon-marché concentrés en majorité vers l’ancien palais de justice.
Pas loin, nous avons parcouru toute une rue dans laquelle une multitude de marchands vendaient des jeans à prix-cassés. Pourquoi des jeans ? « Parce qu’ils connaissent un énorme succès auprès des Colombiens » d’après une vendeuse locale. Celle-ci rajoute qu’ « il y en a pour tous les goûts et tous les âges » ce qui en fait un produit transgénérationnel. D’ailleurs ce n’est pas un hasard si Medellín y figure comme haut-lieu de production.
Dans le quartier le plus « huppé » de la ville, El Poblado, on aperçoit quelques concept-stores qui témoignent d’un tout autre positionnement et contraste avec les autres quartiers de la ville. On y trouve des vêtements de luxe alliant modernité des formes et traditions issues des techniques de tissage ancestrales. On y met alors en avant des jeunes marques colombiennes - chic et légèrement bohèmes. Nous vous en dirons plus sur ce phénomène dans l'article suivant 😉. Très tendance, ces boutiques présentent également quelques produits éthiques ou éco-responsables afin de répondre (un peu) aux divers questionnements actuels.
CONCLUSION
Lorsque nous avons dû constituer notre itinéraire en Amérique du Sud face à notre problématique, nous avons porté une attention toute particulière à la Colombie puisque le pays se veut innovant notamment en matière d’éthique. Le nom de « Medellin » y est alors fortement rattaché : avant même d’y envisager notre passage, nous avons lu plusieurs articles de journaux qui proclamaient Medellin comme capitale de la mode en Amérique latine, ce qui a davantage attisé notre curiosité. Cela dit, globalement, même si Medellín est le lieu de deux grands événements textiles du continent – Colombiatex et Colombiamoda – la ville reste très industrielle et propose en majorité beaucoup de vêtements bon marché. Lors de nos marches récurrentes au sein du centre-ville, nous sommes frappés par le nombre incalculable de contrefaçons vendues par les petits détaillants du coin qui tentent de nous happer à chaque coin de rue. Lourd contraste ainsi avec les nouvelles marques de luxe colombiennes qui s’installent au Poblado …
En somme, les personnes qui tirent véritablement profit de ce « titre » sont les acheteurs pour les entreprises nationales ou internationales (idée déjà évoquée encore une fois dans l’article sur Colombiatex) . Pas de (vrai) Chanel ou de Dior ici, mais tout de même une mine d’or pour les chasseurs de bonnes affaires …avec en prime le bon rôle que celui de s’allier à un pays qui prône de plus en plus la Responsabilité. Alors, Medellin capitale de la mode sudaméricaine ? Peut-être pas. Mais un véritable atout tout de même pour les occidentaux du milieu qui se donneront la peine de la découvrir.
Adresses utiles citées :
-Ancien palais de justice (où se trouve de nombreuses boutiques de prêt-à-porter) : Cra. 52 #48-45
-Colombiatex (se référer à l’article ici)
-Exemple d’un concept-store type au Poblado : Makeno : Cra 37 #10-35
-Exemple d’Usine à Itagüí : Marquillas y Accesorios : Cl. 86 #48-47
Sources : Le relooking de Medellín de Forest Hylton, Inexmoda
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